Les chasseurs

 3 LES CHASSEURSRacontés par le chasseur Koumou Balla KEITA

(Extraits du texte transcrit par Lancéni Balla Keita)

Je suis un maître chasseur, j’ai tué il y a 12 ans un gros lion à cinq kilomètres de Nana- Kéniéba.

Autrefois, la chasse était une activité de bravoure pour les populations au Mandé. En général chaque village au Mandé a été fondé par un chasseur. C’est le cas de Nana-Kéniéba.

La chasse se faisait avec des flèches et des lances avant l’introduction du fusil moderne importé des côtes comme la Sierra Leone avec l’arrivée des Européens.

A l’époque de ces grands chasseurs, les gibiers étaient abondants et les armes utilisées ne décimaient pas les animaux sauvages.

Chacun d’eux a tué plusieurs fauves et d’autres animaux dangereux. Ces faits sont magnifiés dans toutes les chansons parlant de la bravoure des chasseurs. Seuls ceux qui ont eu à tuer un fauve dangereux comme le lion de la savane peuvent danser au rythme de ces chants lors des veillées de chasseurs.

Moi Koumou Balla KEITA, je peux danser l’hymne aux lions, parce que j’en ai tué en 1996.

A cette occasion, les chasseurs ont organisé la cérémonie d’accueil du cadavre du lion au village. Une haie d’honneur a été formée pour accueillir la dépouille du lion que je précédais. Les maîtres chanteurs étaient là avec leur SIMBI pour magnifier ma bravoure c’était l’un des jours les plus heureux de mon existence.

La femme d’un chasseur est fière des hauts faits de son mari. Elle est toujours disponible à préparer immédiatement la viande du gibier que son mari amène après plusieurs jours de privation et de rudes épreuves passés en brousse. La femme, comme le fils d’un chasseur sont des invités dans la confrérie des chasseurs.

Chaque année une compétition de chasse est organisée pendant les mois de mai et de juin, période considérée comme celle des vacances pour les agriculteurs. Cette compétition fixe une date buttoir afin de connaître qui est le plus adroit, le plus courageux parmi les chasseurs du village.

En fin de compétition, une veillée est organisée pour chanter les louanges des grands chasseurs de la contrée. Les chasseurs des villages voisins sont également invités à la fête. Seuls ceux qui ont tué le lion ont droit à danser l’hymne au lion qui se chante à une heure tardive de la nuit lors des veillées récréatives.

 

La confrérie des chasseurs est très répandue au Mandé. Elle a un code de conduite très strict basé sur la loyauté, le courage, l’humilité et l’entraide. Avant d’être admis dans la confrérie des chasseurs, l’aspirant doit prêter serment en présence de son maître chasseur qui devient le garant moral de sa conduite.

A chaque fois qu’un grand chasseur meurt sa dépouille est accompagnée de chants funèbres propres à la confrérie des chasseurs. Une année après son décès, sa famille organise une grande veillée funèbre avec la participation de tous les chasseurs de la localité.

Le matin, à la fin de la cérémonie, tous les chasseurs invités déposent leurs fusils l’un après l’autre dans la cour du défunt pour lui rendre un dernier hommage. Le décompte du nombre de fusils déposés est fait et publié à haute voix. Plus le nombre de fusils est important, plus les hauts faits du défunt résisteront au temps, lors des veillées. La vie de chasseur est très intéressante.

Les chasseurs constituent la première armée au Mandé.

Auteur : Lancéni Balla Keita

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur