Le rôle du chef du village

Nanwali Traore

Nanwali Traore

Raconté par Nanwali TRAORE

(Extraits du texte transcrit par Lancéni Balla Keita)

Depuis la fondation du village de Nana Kéniéba, il y a eu un pacte entre les deux fondateurs du village, à savoir, Mandé Famory KEITA et Bandia KONE. Ce pacte a consacré la répartition des pouvoirs entre les fondateurs du village.

Mandé Famory a été désigné comme chef de l’exécutif, tandis que Bandia KONE a hérité des lieux de cultes à l’esprit des Génies protecteurs du village. Il est devenu le maître de cérémonie de ces lieux de cultes.

Lors de l’intronisation du nouveau chef de village, un taureau est immolé aux mânes des ancêtres le jour de l’intronisation. Le nouveau chef vêtu de cotonnade s’asseye sur cette peau fraîche. Ensuite il est porté au dessus de la foule par les jeunes des familles KONE trois fois de suite sous des ovations. Cet acte permet non seulement de faire voir le visage du nouveau chef de village, mais aussi permet d’appliquer le pacte qui a consacré la répartition des rôles entre les familles KEITA et KONE à la fondation du village. La queue du taureau ainsi immolé lui est remise par les familles KONE comme un attribut de commandement. Il est ensuite renvoyé à ses fonctions. Une veillée est organisée pendant la nuit qui précède cette cérémonie d’investiture, par le village. Les animateurs de cette veillée sont les griots et conteurs généalogiques qui s’adonnent à cœur joie à rappeler depuis la nuit des temps, les noms et faits des différents chefs qui ont dirigé le village. Ainsi, ils retracent l’arbre généalogique du nouveau chef, depuis l’Empereur mandingue Soundiata KEITA. C’est l’occasion pour les familles de les gratifier de cadeaux.

Etant donné qu’il est le chef de toutes les familles du village, il se fait entourer d’un conseil composé des représentants des vingt six grandes familles constituant le village.

Ce conseil a un rôle législatif. Il aide le chef de village à prendre des décisions pour la bonne marche sociale et économique du village. Il se fait toujours assister par un de ses cadets pour la gestion des affaires courantes. Ce dernier le représente généralement dans la vie civile et il est potentiellement un leader dans le village. Il fait office de dauphin pour la chefferie du village.

Le chef de village gère les relations avec les autres villages et il voyage rarement. Il a toujours un porte parole lors des réunions du conseil. Ce dernier transmet à l’assistance à haute voix ce que le chef dit à basse voix. Le chef de village a un vestibule dans lequel se tiennent les réunions du conseil. Ce vestibule a deux portes orientées sur le Sud et le Nord. Chaque conseiller s’asseye suivant un protocole bien défini. Ceux qui ont une influence sur la décision du chef sont toujours à son côté. Ainsi que ceux qui l’orientent dans l’art de parler. Il y a une place à chaque entrée à l’intérieur du vestibule réservé généralement aux doyens. Un étranger ne s’asseye jamais à cette place, ni un jeune. La parole a un chemin bien tracé lors des réunions du conseil. Il va du plus vieux au plus jeune au cours de l’exposé préliminaire. Elle refait le chemin inverse quant il s’agit de donner son avis sur une question donnée.

Le chef de village est une référence morale dans notre société. Il est le dernier recours dans le village. Il doit être autosuffisant sur le plan alimentaire pour garder son autorité. Il doit être à mesure d’assurer la restauration des visiteurs qui sont de plusieurs types (étrangers de passage, émissaires, missions des services techniques de l’état, griots musiciens, autres artistes etc.). Il est le premier hôte du village. Les membres de sa famille doivent donner le bon exemple dans leur comportement et dans leur langage. Ils doivent être sobres. Le chef doit savoir à quel moment il doit élever le ton ou être conciliant.

Il apaise à travers son intervention les foyers conjugaux en conflits, les litiges fonciers. Il doit être à toutes les cérémonies sociales dans le village. En cas d’empêchement, il se fait remplacer par un émissaire qui parle en son nom.

Il a le devoir de défendre l’intégrité territoriale du village et ses domaines fonciers même au prix de sa vie. Les griots chanteront sa capacité de leader avérée s’il est à la hauteur de sa mission.

Auteur : Lancéni Balla Keita

 

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur